Editorial

Coniller, Conilleur, Conillage.

today23/10/2024 414 5

Background
share close

  • cover play_arrow

    Coniller, Conilleur, Conillage. Par Jean Venel Casseus

Il arrive parfois des événements si surprenants que les mots pour les décrire n’existent tout simplement pas. C’est exactement ce qui s’est produit le week-end dernier en Haïti. Garry Conille, Premier ministre, a pris l’initiative de revêtir un uniforme militaire pour passer en revue les Forces Armées d’Haïti, un geste pour le moins inattendu. Même son prédécesseur à la Primature, Ariel Henry, bien qu’il ait exercé seul le pouvoir exécutif, n’avait jamais osé poser un tel acte. La Constitution haïtienne est claire : seul le Président, en tant que Chef des Armées, peut accomplir un tel geste. Dans le contexte actuel, c’est le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) qui détient cette prérogative.

Faute de vocabulaire approprié, qualifions le comportement inimaginable de Garry de “Coniller.” Pour nous, “Coniller” désigne une personne qui s’arroge des pouvoirs qu’elle ne détient pas, tout en étant convaincue d’agir en toute légitimité. Contrairement à l’usurpateur, qui sait parfaitement qu’il viole les règles, le “Conilleur” est persuadé de la légalité et de la légitimité de ses actions, rendant ainsi la situation encore plus complexe et dangereuse. Là où la justice doit s’occuper de l’usurpateur, c’est la psychanalyse qui doit intervenir pour le Conilleur.

En ce qui concerne l’autorité directe et exclusive sur les Forces Armées d’Haïti, la Constitution haïtienne est formelle : “le Président de la République est le chef suprême des Forces Armées d’Haïti.” Le Premier ministre n’a donc aucun pouvoir sur les militaires et ne peut en aucun cas s’adresser à eux directement. Son rôle, à cet égard, est purement administratif, en coordination avec le ministre de la Défense. En passant en revue les troupes militaires, Garry Conille poursuit ainsi sa logique de mépris envers le CPT, après l’épisode relatif à la diplomatie.

Mais au-delà de la situation actuelle de gouvernance, l’attitude de Conille est symptomatique d’un problème plus profond. En effet, Haïti fait partie des rares pays de la région à maintenir un exécutif bicéphale, avec à la fois un Président et un Premier ministre. Ce système, loin de faciliter la gouvernance, engendre souvent des chevauchements de pouvoirs qui aboutissent à de graves dérives.

Il devient donc urgent de réviser notre Constitution. Nous ne pouvons plus nous permettre un exécutif à deux têtes qui affaiblit l’État. Abolir le poste de Premier ministre permettrait de centraliser l’autorité de l’exécutif, clarifier les rôles et éviter des situations comme celle que nous venons de vivre.

Le “Conillage,” tel que nous l’avons observé, n’est pas un simple incident. C’est le signe d’un dysfonctionnement plus profond. Quand des responsables publics commencent à s’octroyer des pouvoirs qu’ils n’ont pas, c’est tout l’État qui vacille. Si ce comportement n’est pas corrigé, il pourrait devenir la norme et aggraver encore plus la crise que traverse le pays.

Il est indispensable d’agir rapidement. Le “Conillage” doit être perçu comme un signal d’alerte. Haïti doit se réinventer pour s’offrir une gouvernance plus stable afin d’éviter les crises institutionnelles à répétition.

Written by: admin

Rate it

Post comments (0)

Leave a reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *


0%