Editorial

Soyons nous-mêmes face aux Dominicains

today09/10/2024 48

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    Soyons nous-mêmes face aux Dominicains Par Jean Venel Casseus

Les récentes déportations massives de migrants haïtiens par les autorités dominicaines soulèvent des questions profondes sur les relations entre nos deux pays et sur le rôle que les élites haïtiennes doivent jouer pour garantir des conditions de vie dignes à nos concitoyens. Le rapatriement de plus de 7 000 ressortissants haïtiens en moins d’une semaine, avec la menace de 20 000 expulsions supplémentaires, révèle une réalité amère : l’incapacité de l’État haïtien à offrir à ses citoyens une alternative viable à l’exil.

Le Dr Jean Price-Mars, intellectuel et diplomate de renom, avait déjà, dès les années 1930, identifié cette fracture entre Haïti et la République Dominicaine comme un symptôme d’une plus grande vulnérabilité : celle d’un pays qui peine à garantir à ses citoyens les bases d’une existence digne. Pour Price-Mars, les relations entre nos deux nations ne pouvaient être équilibrées tant que les Haïtiens seraient obligés de chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas chez eux. Il voyait dans cette migration forcée un signe de l’échec de la classe dirigeante à créer un environnement propice à la prospérité collective.

En évoquant la responsabilité des élites haïtiennes, Price-Mars soulignait leur devoir d’élever la condition sociale et économique du peuple. Ce devoir ne peut se limiter à des discours ou à des promesses creuses ; il exige des actions concrètes pour améliorer la vie quotidienne des Haïtiens. Pour lui, la première étape vers la dignité nationale réside dans la capacité de l’État à offrir à chaque citoyen un accès aux ressources nécessaires à une vie décente : emploi, éducation, santé, et sécurité. Ce sont les fondements mêmes d’une stabilité sociale qui empêcheraient nos compatriotes d’être constamment soumis aux vagues de rapatriements massifs et aux traitements inhumains à l’étranger.

Nous ne pouvons pas continuer à nous apitoyer en désignant systématiquement l’autre comme l’unique responsable de notre détresse. Une telle attitude nous empêche de nous engager dans une introspection profonde, de comprendre nos propres défaillances et de nous réinventer en tant que nation. Il est urgent que nous assumions la part qui nous incombe, non pas pour excuser les abus subis, mais pour reconnaître que c’est en redécouvrant qui nous sommes que nous pourrons enfin « être nous-mêmes » face à la République Dominicaine et aux autres. Cette prise de conscience collective est la clé pour transformer notre destin et garantir un avenir plus digne à chaque Haïtien.

Comme Jean Price-Mars, j’ai envie de vous dire : « soyons nous-mêmes » face à nos défis. Mais qui sommes-nous et qui pouvons-nous être sans une prise de conscience collective haïtienne et agissante ?

 

Par Jean Venel Casseus.

 

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