La Notre-Dame est ressuscitée à Paris, mais reste et demeure un cadavre à Port-au-Prince.

Le Samedi 7 décembre 2024 dernier, la cathédrale Notre-Dame de Paris, joyau architectural et spirituel de la France, a rouvert ses portes après cinq années de travaux titanesques. Dévastée par un incendie en avril 2019, elle renaît aujourd’hui grâce à une mobilisation exceptionnelle : 840 millions d’euros de dons, des artisans de renom et la volonté politique de préserver ce symbole universel. Pendant ce temps, à Port-au-Prince, la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption reste ensevelie sous les décombres, environ 15 ans après le séisme de 2010.

La cérémonie d’inauguration de Notre-Dame de Paris a rassemblé des chefs d’État, des dignitaires internationaux et des milliers de fidèles. La restauration, rendue possible par des dons collectés en un temps record, montre l’importance accordée à ce patrimoine mondial. Au-delà de sa fonction religieuse, la cathédrale de Paris représente l’unité nationale et le génie architectural français. Chaque pierre replacée, chaque vitrail restauré reflète la résilience et l’organisation d’un pays capable de répondre efficacement aux crises.

À Port-au-Prince, l’histoire est bien différente. Depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010, la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption demeure un champ de ruines, livré à l’oubli et à l’insécurité. Transformée en repaire pour des malfrats, elle devient le symbole des défis auxquels Haïti fait face : gouvernance défaillante, absence de vision à long terme et incapacité à coordonner les efforts de reconstruction. Pourtant, cet édifice, naguère cœur battant de la capitale haïtienne, devrait être restauré pour incarner l’espoir et la mémoire collective.

Le problème du respect des symboles en Haïti dépasse largement la cathédrale de Port-au-Prince. Les lieux historiques et emblématiques sont souvent laissés à l’abandon, dévalorisés ou détournés de leur fonction première. Le Champ de Mars, jadis un espace civique de prestige, est aujourd’hui en proie à l’insalubrité et à l’insécurité. Bois Caïman, lieu fondateur de la révolution haïtienne et symbole de la lutte pour la liberté, est également en grande partie oublié et mal entretenu. Ce lieu, pourtant sacré, devrait représenter une fierté nationale et une source d’inspiration pour les générations futures.

Un pays ne peut exister sans ses symboles. Ils incarnent non seulement son histoire, mais aussi les valeurs et l’esprit qui unissent ses citoyens. En Haïti, le manque de respect pour les dates, les lieux et les personnalités historiques érode le tissu social et renforce l’idée d’un pays sans repères. Le 18 mai, date de la fête du drapeau, ou le 2 janvier, jour des aïeux, passent souvent inaperçus dans la vie publique. Ce manque d’attachement à ce qui constitue l’âme d’un pays contribue à l’instabilité culturelle et politique.

Reconstruire un pays commence par restaurer et valoriser ses symboles. Les monuments, les dates et les figures historiques ne sont pas de simples souvenirs ; ils sont les piliers sur lesquels se fonde l’identité nationale. En laissant des lieux comme la cathédrale de Port-au-Prince ou Bois Caïman à l’abandon, Haïti envoie un message de négligence envers son propre héritage. Si ces symboles ne sont pas respectés, c’est tout le projet d’une nation cohérente qui est remis en question. Haïti doit réapprendre à se réconcilier avec son passé pour espérer construire un avenir stable.

N’en déplaise aux chrétiens catholiques haïtiens, à Port-au-Prince, la Notre-Dame est morte et enterrée sous les décombres depuis 15 ans.